Cour de l'Excellence

-Je valide, vous avez dû confondre. Monsieur de Paulignac ?
-Oui, Votre Altesse ?
-Est-il vrai que j'ai déjà dit cette phrase ?
-Non, Votre Altesse.
-Merci, Monsieur.

Le roi prit conscience de quelque chose. Il était entouré d'ennemis.

- Au temps pour moi... Excusez mon impolitesse, mon voyage m'a énormément fatiguée.

Il ne fallait pas qu'elle soit trop provocatrice. Elle remercia Olivia du regard. Elle ne la connaissait pas, mais bizarrement la jeune femme lui inspirait confiance.

- Cette révolte s'annonce énorme...

-Avec tout le respect que je vous dois votre Altesse, vous avez réellement prononcé cette phrase, peut-être involontairement, mais vous l'avez fait. 

Non mais! Calme toi, calme toi! 

-Ou peut-être que nous nous trompons...

Elle vit le regard d'Athénaïs, Olivia savait qu'elle n'était plus seule

- Calmez-vous, Olivia, dit doucement Athenaïs, peut-être nous trompons-nous, en effet. Je ne désire qu'une sieste.

-Oui, vous avez raison. Excusez-moi... Je ne désire que du repos également...

Olivia tenta de se calmer, elle ne devait pas se dévoiler devant son ennemi...

-Mademoiselle...euh...Olivia, je crois, oseriez-vous démentir la parole de Monsieur de Paulignac, le Ministre de la Justice ?
Princesse, joignez-vous à nous et buvez.
(Ca, par contre, Ministre de quoi, je sais plus ! xD)

-Non, je vous présente mes excuses, la fatigue ne m'affecte que trop.

Sous la table, elle donna un léger coup sur le pied de chacune des autres femmes.

Ne nous trahissons pas... aurait-elle dit si elle avait pu parler librement. Elle sourit au roi.

- Il est vrai que la chaleur est accablante, c'est éreintant. Sire, n'avez vous pas peur que les révoltés prennent d'assaut le château ?

D'un mouvement de tête elle le remercia et commença à boire.

- En effet, ce serait un problème tel...

-Je comprends, mais essayez d'avoir une attitude un minimum correcte.

Le Roi se détourna et commença à siroter son eau sans bruit.
Il s'inquiétait sur le comportement des trois jeunes femmes l'entourant.
Elles mentaient.
Les trois.
Mais il n'allait rien dire.
Pour l'instant, du moins.

-Mmm...Non...Ils ne m'effraient pas.

-Tant mieux votre Majesté. Il faut montrer au peuple que vous restez forts; qu'ils ont tort de s'en prendre à vous de la sorte..

- Je continue a être inquiète sur cette révolte, si ils prenaient d'assaut le château...

-Non, ce n'est pas par désir de symbole ou d'apparence que je fais ça. La Fronde m'a endurci. Et de toute façon, Madame de Mazarin, ma mère, gère toujours un peu la France. Elle est sadique et stricte.

- La Fronde... j'ai beaucoup entendu parler de ce malheureux événement...Vous étiez très jeune non ?

Elle le regardait avec compassion. Le sentiment ne semblait pas feint, aucune ombre ne traversait ses beaux yeux clairs.

-J'avais moins de 4 ans. On nous a attaqué pendant plusieurs mois. Ma mère, Catherine de Mazarin gérait le Royaume à ce moment-là...

Il lui sembla que la compassion dans les yeux de la princesse semblait sincère.
Il tomba dans le piège.

- Ma mère m'a contée cette histore... je n'étais pas encore née

Comme un déclic dans les yeux du monarque : il la croyait. Elle lui fit son plus beau sourire.

- Moi non plus je n'étais pas encore de ce monde... Que diriez-vous d'une promenade ? Je sens mes jambes s'engourdir !

D'un geste souple, déjà prête à partir, elle se leva. Le tissu de sa robe grise bruissa doucement. Elle ne supportait pas l'inaction et regrettait soudain l'ombre de son atelier. Mais elle ne pouvait pas partir maintenant, il fallait attendre, observer, gagner plus de monde à sa cause et frapper ensuite.

-Hmm...Non. Ça ne va pas être possible. Les Ministres m'attendent. Nous avons une réunion pour arranger la situation fiscale du Royaume...Je crains devoir repousser votre désir de sortie à Jeudi, le jour du bal. A ce propos, vous y allez ?

- Je ne le manquerais pour rien au monde, surtout que l'on m'a rapporté que les bals ici étaient mille fois plus beaux et animés que ceux de ma cour...

Louise sourit de nouveau, inclina légèrement la tête de côté de façon à exposer son plus beau profil et sortit un éventail avec lequel elle tâcha de se rafraîchir un peu. Elle se rassit à la table tandis qu'un serviteur s'empressait de remplir sa coupe en cristal délicat. Elle porta celle-ci à ses lèvres rouge pour se désaltérer, puis croqua avec gourmandise dans un minuscule gâteau qui la narguait depuis tout à l'heure. Elle n'en laissa pas une miette : son ventre criait famine. La jeune fille songea à ceux qui n'avait pas sa chance et dont les cris parvenaient jusqu'à eux, troublant la quiétude de ce bel après-midi ensoleillé. Absorbée par ses pensées, elle en oublia les conversations et même le roi face à elle.

-Comment ? La réunion serait annulée ? Mais...bon d'accord.

Un serviteur venait d'informer le roi : la réunion était annulé, l'absence des ministres en était la cause.
Voyant la jeune princesse en train de se désaltérer et de se rafraîchir, le roi réfléchit à son idée.
Une balade.
Bonne idée, finalement, admit-il.

-Bon, nous pouvons aller nous balader.

Comme montée sur ressort, Louise bondit de son siège dans un froufrou vaporeux. D'un coup sec, elle rangea l'éventail. Comme elle se sentait prisonnière de cette robe ! Elle ne pensait pas que les vêtements qu'elle confectionnait amoureusement pour les dames de la Cour pouvaient aussi se révéler être d'affreux tortionnaires. Corps baleinée, panier à baleines, chemise, la transformaient en véritable oignon aux multiples pelures. Et sa perruque qui à chaque pas pesait comme jamais sur sa tête, et ce chapeau qu'elle aurait voulu JETER dans l'un des jolis bassins du jardin...

- Allons-y alors... Je suis impatiente de découvrir les merveilles de votre fameux Le Nôtre.

-Très bien.

Ils se dirigèrent donc dans le jardin de Versailles grâce aux conseils d'André Le Nôtre.
Partout autour d'eux s'élevaient des murs végétaux, des fontaines somptueuses, des chemins pavés, en somme, des constructions naturelles et humaines qui approfondissaient la beauté du Palais.
Partout autour des promeneurs on trouvait des coquelicots rouges, des pensées multicolores, des haies verdoyantes...
Tout cela formait une ambiance parfaite et idéale pour la promenade. S'il n'y avait pas eu les cris des révolutionnaires, cela aurait même été détendant.

Béate devant tant de splendeurs, Louise resta immobile, épousant du regard la verdure clairsemée de taches de couleurs vives qui s'offraient à elle. Arbustes et buissons ouvragés, petit chemins circulant entre les parterres d'une symétrie parfaite... Ce Le Nôtre était un magicien ! Comme elle aurait aimé que ses parents puissent voir ça...

- C'est splendide... fit-elle avec candeur.

-Vous avez vu. s'exclama le roi. Et moi, je vis ici jour et nuit...Pour moi, maintenant, tout ceci est banal. Je voudrais voir dehors. Rencontrer mon peuple. Pas rester ici, à ne rien faire...Je n'en peux plus, de tous ces serviteurs, ces fêtes, ces jardins, ces coutumes...Ces attentes...

Il soupira.

-Je voudrais quitter mes fonctions, mais je suis condamné à rester dans la Cour. A exercer mon rôle de monarque. Mon peuple se plaint...Mais il a tort...Lui...Il vit dehors, pas cloîtré entre les murailles d'un château...Pas à supporter les oisifs seigneurs, à exercer de l'autorité...Je voudrais tout quitter.

La tristesse se lisait dans son expression : yeux perlés de larmes, bouche tordue...